Interview exclusive – Jospin Kajibwami : « Ce qu’on a fait en 2024 avec Bargoss n’est qu’une partie de l’iceberg »

En 2024, l’homme qui a joué un rôle central dans le succès de Bargoss est sans doute Jospin Kajibwami, qui joue à la perfection le rôle du manager pour l’artiste. Ce n’est pas sa première expérience mais la plus réussie jusqu’à présent. De sa rencontre avec Irbajo à ses expériences tanzaniennes, retour sur le mariage parfait dans la sphère musicale à Goma de ces dernières années.
C’est difficile de parler de l’artiste Bargoss actuellement sans mentionner le nom de Jospin Kajibwami. Le contraire est aussi vrai pour le jeune, ancien danseur, qui côtoie le monde artistique et culturel de la ville de Goma et de sa région depuis plusieurs années. « A la base, Jospin est quelqu’un qui adore beaucoup le divertissement…c’est dans cette optique que je me suis familiarisé avec le monde culturel », s’est-il rappelé devant la caméra de totalement actus. En 2016, il se décide et se plonge dans le monde du management artistique avec sa boite « Kajib Entertainment ». Cette première expérience n’a pas abouti pour cause de « l’argent ». Ce qui va le pousser à prendre plusieurs années sabbatiques.
7 ans après, il se relance, toujours sans argent, mais avec « un réseau très costaud qui investit » pour artistes qu’il a sous ses ailes et dans ses projets. Une année après, soit en 2024, il prend le risque de se lier avec l’artiste Bargoss, talent prometteur et qui se faisait petit à petit un nom à Goma. Ce n’est pas la première fois que les deux hommes entrent en contact, eux qui habitaient le même quartier. « C’est quelqu’un qui aimait beaucoup la musique, la danse. C’est une personne que tu voyais dans le quartier et tu te disais : ça, c’est un artiste. La sape et tout ce qui va avec le caractérisait », s’est souvenu Jospin. Pendant cette période, certains artistes comme JKM ou encore Melissa Kareke étaient géré déjà par Jospin. Bargoss a voulu, de son côté aussi, rejoindre l’équipe et profiter de l’expérience d’évoluer en équipe. « Dans mes activités, il y a toujours Bargoss qui venait participer », a ajouté JK qui essayait de lui donner de la force. Surchargé, Jospin n’avait pas pu le faire intégrer entièrement dans l’équipe, chose qui n’a pas échappé au destin.
Fin 2023, Bargoss est déjà un artiste connu dans la ville. Ses chansons « Kiba », « Pente » … reçoivent un retour positif au sein du public. Succès qui a convaincu Jospin de s’investir à fonds pour sa carrière. « J’ai remarqué qu’il connaissait ce qu’il voulait pour sa carrière », a-t-il dit. En janvier 2024, tout se concrétise et Jospin devient le manager officiel de Bargoss. Fort de son carnet d’adresse, Kajibwami a su amener Bargoss au sommet de la musique gomatracienne en lui permettant de faire des collaborations inédites. « Muvivu » avec le tanzanien RayVanny et « Mayi » avec Koffi Olomidé ont fait de ce duo l’un des plus marquants pour l’an 2024.
« Je n’ai jamais été d’accord avec ce langage de payer les vues pour booster la vidéo de l’artiste »
Comme tout succès, les critiques et les polémiques s’en sont suivies, dont les plus en vogues étaient le 100K dépensés lors du voyage en Tanzanie et les prestations lives jugées chaotiques par le public de Bragoss. « Pour voir le Bargoss qui est la aujourd’hui, ça ne demande pas que le talent mais l’investissement aussi », a tenu à rappeler Jospin qui estime par la suite que « 100K, c’est beaucoup d’argent oui mais pour un artiste que vous êtes en train de construire, c’est encore peu ». Sur le plan artistique, le manager a reconnu que son protégé doit encore travailler sur plusieurs aspects : « Bargoss est un artiste qui est en voie de construction. Il n’est pas encore un artiste complet ». Un constat qu’il veut remédier pour cette année 2025. Pour ce faire, JK a fait un appel au public : « J’aimerais que les gens puissent donner des conseils constructifs et objectifs. Il y a parfois ces critiques qui sont remplies de haine et cela ne va pas nous aider à construire notre industrie musicale. Bargoss n’est pas le seul artiste à Goma. Il y a beaucoup de jeunes pétris de talent ici chez nous qui méritent notre accompagnement ».
Il n’avait suffi que 6 jours pour le titre « Muvivu » pour atteindre un million de vues sur la chaîne YouTube de Bargoss. Un record pour un artiste local mais qui a divisé au sein du public. Plus d’un pensent que l’équipe a acheté de fausses vues pour élever le niveau et la notoriété de l’artiste. Ce à quoi Jospin a une justification claire : « Je n’ai jamais été d’accord avec ce langage de payer les vues pour booster la vidéo de l’artiste », a-t-il dit avant de continuer : « La chaîne YouTube de Bargoss est monétisée. C’est une chaîne qui ne peut pas permettre l’achat de vues, de fake views au risque d’être bloqué immédiatement ». Pour lui, ils utilisent les moyens innovants pour faire la promotion, contrairement à certains artistes de Goma qui ne veulent pas évoluer au rythme de la technologie. « A Goma, nous avons encore l’ignorance et c’est ce qui bloque le côté management des artistes…les gens ne veulent pas investir dans la promotion de bonnes œuvres de leurs artistes », a-t-il souligné.
Un concert dans un stade et un EP pour Bargoss en 2025
En se basant sur ses expériences de la Tanzanie, un des pays qui l’inspire actuellement dans le show buzz, Jospin Kajibwami pense que sa ville est sur une bonne lancée et a « tout ce qu’il faut pour booster l’industrie musicale ». Les artistes, les réalisateurs, les créateurs de contenus…excellent à Goma mais pour Jospin, le problème lié à la production est le plus grand défi à relever pour la sphère culturelle de sa ville touristique « Pour que notre industrie explose, il faut qu’il y ait de gens qui investissent de l’argent. A Goma, nous n’avons que les mécènes », a expliqué JK. Et d’ajouter : « Nous avons aussi le problème lié à des salles de spectacles. On n’a pas ça chez nous ».
Bien entouré et ayant des contacts répondant aux attentes de son artiste, les défis ne manquent pourtant pas de troubler la vie managériale de Jospin, qui porte au quotidien le lourd fardeau de critiques de son acolyte. « Si tu n’as pas le mental d’acier, tu peux arrêter », a-t-il reconnu, lui qui n’est pas prêt à abandonner, bien au contraire. « Ce qu’on a fait en 2024 avec Bargoss n’est qu’une partie de l’iceberg », a prévenu « le faiseur de rois », comme on commence à l’appeler, avant de poursuivre : « En 2025, on va faire l’essentiel pour montrer à la face du monde que Goma, nous pouvons créer notre industrie ».
L’essentiel pour 2025, c’est avant tout ces grands projets qu’il prépare avec son artiste. « Pour Bargoss, nous allons faire un stade cette année (Probablement le stadium paralympique de Goma) mais aussi nous allons lancer un EP », a-t-il fini par dire.
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