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Goma : Madame Béatrice, l’héroïne infirmière du quartier Bujovu

Goma : Madame Béatrice, l’héroïne infirmière du quartier Bujovu

Nsekuye Beatrice est une infirmière dévouée qui a consacré sa vie, depuis plus d’une décennie, à soigner les plus démunis dans le quartier Bujovu, au nord-est de la ville de Goma. Elle a mis en place le Centre de Santé Afya Yetu, qui est devenue une référence pour les habitants de ce coin. Entre défis logistiques et les affres de guerre à répétition dans la ville, Beatrice est vue en héroïne de Bujovu.

 

« La raison principale qui m’a poussé à créer ce centre de santé, c’était de sauver la communauté », d’entrée, en bonne humeur, Madame Beatrice n’a pas mâché ses mots dans la grande interview de TA. L’histoire de ce projet a commencé en 2004. Dans son entourage, toutes les familles connaissaient ses capacités infirmières. Certaines mamans, qui accouchaient à la maison, et les enfants malades faisaient recours à elle quand les cas devenaient compliqués. « Ça me dérangeait beaucoup quand à 2h du matin on me réveillait », s’est-elle souvenue. C’est cette situation qui l’a poussé à créer le centre de santé Afya Yetu. « J’ai été la seule infirmière dans le centre pendant 4 ans », dit-elle. L’équipe s’est agrandie par la suite avec 3 autres infirmiers et la demande de malades s’est accrue. Il était temps pour le centre hospitalier de s’épanouir.

C’est en 2013 que le centre s’est métamorphosé pour accueillir autant de malades que possible. Aujourd’hui, c’est plus de 10 infirmiers, au-delà des autres postes, que compte l’hôpital. Cette évolution n’a pas été un long fleuve tranquille pour madame Beatrice. Au départ, le centre a été mis sur place que pour accueillir les femmes et les enfants mais la situation due à la guerre et surtout le train de vie de la population du quartier Bujovu, a poussé l’infirmière, avec toute son équipe, à élargir ses services. « Nous vivons une période de crise à cause de la guerre », a-t-elle souligné. « C’est très compliqué », a-t-elle ajouté, celle qui a su gérer la pression des soldats, qui habitaient près de l’hôpital et qui, souvent, venaient se soigner gratuitement. « Nous essayons d’unir toujours nos efforts pour voir comment on peut combler le vide et avancer », s’est-elle rassuré.

Avancer, c’est parfois s’attendre à l’inattendue. C’est ce qui est arrivé lors des affrontements entre AFC-M23 et FARDC à Goma ces derniers jours. Cette situation chaotique a fait déborder la structure des blessées par balles et des éclats de bombes. « Il est arrivé un moment quand tu ouvrais la porte de la pharmacie en voyant les malades qui arrivaient, tu mets tes deux mains sur la tête », a raconté Béatrice, avec le gestuel. « Mais gloire à Dieu, nous avons tenu », a-t-il continué. Certains de ses patients ont succombé à leurs blessures par manque de moyen d’atteindre les autres hôpitaux qui auront pu aider dans la transfusion sanguine. « Notre centre n’a pas encore reçu l’autorisation de l’État pour commencer à transfuser », a-t-elle répondu concernant la cause de ces décès.

 

« …j’exercerais ce métier très bien jusqu’à la fin de mes jours »

« Moi, mon souci, c’est la santé de la population, pas de l’argent », a martelé madame Beatrice quand on lui demande comment elle parvient à couvrir les besoins liés au fonctionnement du centre avec cette communauté démunie. « Moi, ma passion, c’est le bonheur du malade », avec un large sourire, a-t-elle poursuivi sa pensée. « Quand j’ai soulagé un malade, je peux bien dormir ».

Cette passion, qui est devenue une raison de vivre pour cette mère de famille, tire son origine depuis qu’elle est enfant. « Quand j’étais enfant, vers 10 et 12 ans, dans notre village, il n’y avait qu’un seul hôpital conventionné catholique », s’est-t-elle remémoré. « Moi, étant dans une famille protestante, je craignais que mon rêve de devenir infirmière ne puisse jamais se réaliser ». L’enfant Beatrice pensait que ce métier était uniquement réservé aux sœurs catholiques. « C’est mon Papa qui m’avait éclairci que cette profession n’était pas seulement pour les catholiques mais c’était pour tout le monde qui a les capacités financières et intellectuelles », a déclaré Madame Beatrice qui, par la suite, a foncé vers son rêve en étudiant l’infirmerie dans une communauté ou la scolarité de filles se limitait au niveau de certificat. « Moi j’étudiais en me disant que je serais Muganga (infirmière). Gloire à Dieu, aujourd’hui, je le suis c’est pourquoi j’exercerais ce métier très bien jusqu’à la fin de mes jours », a-t-elle stipulé avant de dire son grand rêve : « Soulager la vie et la douleur des femmes et des enfants malades ».

Pour continuer à vivre de sa passion et à aider sa communauté, dont le besoin en soins s’accentue du jour au jour, Madame Beatrice et sa structure médicale ont besoin de l’aide de toute part. « Nos mains sont ouvertes. S’il y a une source d’aide, elle est la bienvenue. Nous sommes attaqués ici et là surtout à cause de la guerre », a-t-elle conclu notre entretien.

A propos de l'auteur

Par: David KASI

David KASI est consultant en Communication et Journaliste indépendant, spécialisé en culture, arts, sport et société. Il travaille aussi dans la presse écrite et collabore avec des médias internationaux en tant que free-lance. Également, il est photo-journaliste.
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