Faradja BATUMIKE : « J’étais très en colère à l’annulation du festival »
Au bout de trois jours d’extrêmes tensions, couvés par le spectacle d’annulation-reprogrammation du festival Amani, la réalité a fini par rattraper les rêves de plus d’un. La 10 ème édition de cet événement socioculturel annuel s’est finalement déroulée, après moults croc-en-jambes. Au grand soulagement de Faradja BATUMIKE, l’un de ceux pour qui « la culture ne peut aucunement justifier l’insécurité ».
Le danseur congolais, laureat de la palme de Meilleur danseur congolais en 2020 s’est servi de la lumière qu’offre le festival Amani pour passer un message, à travers le spectacle « Mapinduzi ». Une chorégraphie qui en appelait à la résilience face aux atrocités dont est victime la partie Est de la RDC et à la recherche du changement. « L’idée était de mettre en lumière les combats que mènent tous les jours les artistes dans le cadre d’une certaine révolution que les gens ne reconnaissent pas encore », a expliqué Faradja BATUMIKE dans une interview exclusive chez Totalement Actus.
Interview
T.A : Quelles ont été vos sensations sur la scène du festival Amani ?
F.B : « Tout s’est très bien déroulé. D’ailleurs, certains m’ont dit après que c’était le meilleur spectacle. Il y avait vraiment des très bons retours de la part du public. Le message que je voulais passer à travers cette chorégraphie est bien passé.
Il y a des années, être un danseur ou un chanteur a Goma, c’était quasiment être un voyou. Mais là, tout a changé. On commence à avoir un peu plus de considérations dans la société. C’est aussi de ça dont je voulais parler à travers cette chorégraphie. »
T.A : Quelle a été ta réaction à l’annonce de l’annulation du festival ?
F.B : « J’etais vraiment en colère de voir que tous les efforts que les artistes fournissent tous les jours ont été piétinés. Je me suis également mis à la place des organisateurs, et j’ai vraiment eu de la peine pour eux. Je n’ai pas supporté non plus de voir comment les rêves de plusieurs jeunes que j’encadre étaient compromis.
Mais, on a essayé de sauver le festival en faisant passer des messages. Ma réaction était claire, j’étais très en colère contre le gouvernement, contre tous ces jeunes manipulés qui étaient derrière cette décision, d’autant qu’à Goma il se passe beaucoup de choses : des matchs de foot, des concerts gospel et même ceux d’autres artistes. Je me suis vraiment très fâché que l’on piétine sur ce pourquoi on s’est battu depuis des années.
Il faut que cela cesse maintenant, parce que ça fait fuir beaucoup de partenaires qui soutiennent nos artistes et nos activités culturelles. Il faut qu’on cesse de coller la politique à nos événements culturels. Il n’y a que l’art qui peut rassembler autant de gens. Vous avez vu vous-même le nombre de personnes, venues de tous horizons que le festival a rassemblé, dans la joie et la fraternité. Le festival Amani reste un patrimoine culturel qu’on doit protéger »
T.A : Penses-tu que le festival Amani donne suffisamment d’espaces aux danseurs ?
F.B : « Je pense que le festival Amani donne suffisamment d’espaces aux danseurs locaux. La petite différence reste la programmation, avec les espaces qui ne sont pas les mêmes. L’espace Musique est bien entretenu que celui de la Danse. C’est notre actuel combat. Que les danseurs aient aussi les meilleurs espaces. Mais tout dépend de chaque danseur.
Chez moi par exemple, jouer par terre ne me permet pas de produire un spectacle de très bonne qualité. Et c’est aussi compliqué de danser sur une scène qui a été préparée à 100% pour la musique et pas pour la danse. Ce que je ne peux pas nier, c’est l’évidence que la musique est bien mise en avant que la danse. J’espère que les organisateurs vont continuer d’y travailler, pour que la danse ait la même priorité que la musique, puisque la devise reste d’après tout, danser pour changer, chanter pour la paix. Ça ferait du bien qu’il y ait deux scènes bien aménagées, une pour la musique et une autre pour la danse. »
T.A : Une tête d’affiche danseur, ça vous est déjà passé à l’esprit ?
F.B : Je crois que cette année le festival l’a fait en amenant le danseur chorégraphe burkinabè (Serge Aimé KOULIBALY), un très grand chorégraphe dAfrique. On était également tous mis en avant. Avec la communication, ils ont publié les danseurs et les musiciens presqu’au même moment. Cette année, on a quand-même une tête d’affiche danseur. Il y a vraiment eu beaucoup de changements, mais il y a encore beaucoup à faire pour mettre au mieux les danseurs dans les meilleures conditions. On va continuer à y travailler. »
Faradja BATUMIKE, au delà d’être un immense danseur chorégraphe oint des trophées nationaux et internationaux, ne demeure pas moins un modèle pour les jeunes artistes de la ville de Goma et du Congo. À travers VIJANA UP, une structure dont il est le principal géniteur, il assure un accompagnement artistique à plusieurs jeunes danseurs qui ambitionnent faire carrière dans cet art.
Le plus grand festival de danse de Goma, « Goma Danse Festival » est un des fruits du combat de Faradja BATUMIKE pour la revalorisation de l’art, au centre d’une société qui en avait perdu la coutume. L’édition 2024 du festival Amani, comme celle de 2020 s’est attirée des services de l’auteur de « LA CAGE », dans un contexte où l’ascension émotionnelle était de mise.
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