Extinction Rébellion – RDC : « Notre terre sans pétrole », l’art pour la lutte non-violente contre le réchauffement climatique
Le mouvement Extinction Rébellion RDC a lancé la campagne « Notre terre sans pétrole » à Goma, ce 30 octobre. Accompagnés de la société civile, les membres de ce mouvement international appellent à l’abandon définitif de tout projet futur visant à attribuer de nouveaux droits d’exploitation d’hydrocarbures, et l’annulation de deux contrats de partage de production relatifs aux blocs gaziers et qui ont déjà été signés. Pour amplifier l’étendue de la cause, un concert public a été organisé.
Le 11 octobre dernier, le ministre congolais des hydrocarbures a annulé partiellement l’appel d’offres pétroliers et gaziers lancé depuis le 28 juillet 2022. Cette enchère visait à attribuer 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers dans les zones chevauchant les territoires des communautés locales et des peuples autochtones, ainsi que plusieurs aires protégées. L’absence des candidatures pour certains blocs, des offres non recevables, des cas de dépôts tardifs, des offres inappropriées ou irrégulières et pour un défaut de concurrence sont, entre autres, les raisons qui ont poussé l’autorité congolaise d’annuler l’appel d’offre.
Malgré que le mouvement Extinction Rébellion RDC, ses partenaires et la société civile congolaise « saluent » cette décision, ils pensent que « ces problèmes ne sont pas nouveaux pour la société civile, qui dénonçait ces dérives dès le début du processus », a-t-on lu dans la déclaration, dont la rédaction de Totalement actus détient une copie. « Celle-ci n’a jamais tenu compte de l’avis des communautés ni de leur bien-être, et encore moins des promesses de développement faites au peuple congolais, ajoute la correspondance. Les dérives constatées depuis le lancement de l’appel d’offres ont mis en lumière un manque de transparence et de respect des lois en vigueur, mettant en danger la vie des populations locales, les écosystèmes fragiles, une biodiversité sans pareille, ainsi que l’économie du pays ».
La campagne « Notre terre sans pétrole » se présente comme une lutte non-violente contre un nouveau processus d’appel d’offres restreint sur les blocs pétroliers qui sera lancé prochainement par le ministre congolais. Selon la société civile, « Cette approche accroitrait le risque d’accusations futures de corruption et de favoritisme ».
Le réchauffement climatique au risque de la guerre
A titre d’exemple sur le risque néfaste sur les communautés de la région des grand-lacs africains, victimes déjà des affres de guerre depuis plusieurs années, dans le cadre de la construction de l’oléoduc EACOP (East African Crude Oil Pipeline), mené par Total Energies, CNOOC, ainsi que les gouvernements ougandais et tanzanien, le gouvernement congolais a exprimé son souhait de s’y accorder.
Ce pipeline de 1 443 km vise à transporter le pétrole extrait, y compris au sein du parc national des Murchison Falls, à partir des rives du lac Albert en Ouganda jusqu’au port de Tanga, en Tanzanie. Ce projet soulève de vives préoccupations en raison de ses impacts, tels que le déplacement de plus de 100 000 personnes et la menace directe sur de nombreux écosystèmes fragiles et transfrontaliers avec la RDC. Le raccordement souhaité par les autorités congolaises présente également un risque important pour les dizaines de milliers de personnes vivant directement ou indirectement des ressources du lac Albert, notamment en raison des dangers de pollution liés à l’exploitation pétrolière. Plusieurs organisations alertent également sur le fait qu’une exploitation des hydrocarbures pourrait exacerber les conflits armés déjà présents dans la région.
« L’expérience de l’exploitation pétrolière à Muanda, à l’ouest de la RDC, a montré qu’elle n’apporte aucun développement économique à la région ni au pays, mais provoque plutôt de graves dégradation de l’environnement des communautés locales et une pollution importante de la zone », ont tenu à rappeler les membres de la société civile congolaise. A eux de proposer au gouvernement congolais et ses partenaires de se « concentrer sur le renforcement de l’économie du pays à travers un développement durable, apportant des résultats concrets et tangibles au peuple congolais ». En donnant comme exemple le projet d’électrification Alliance Virunga, ils montrent aux autorités congolaises qu’il est « possible de construire une économie génératrice fondée sur des modèles alternatifs de développement, qui sont respectueux des droits des communautés, de l’environnement et de la biodiversité, et pourvoyeurs d’emplois locaux ».
L’art au service du climat
Pour apporter la lutte au sein du public local, les organisateurs de la campagne ont jugé bon d’offrir au public un concert gratuit à l’esplanade de l’ISC-Goma. Le moins que l’on puisse dire, la stratégie a marché. Plusieurs centaines de personnes ont afflué le podium aménagé à l’occasion.
Le casting était tout autant alléchant pour les mélomanes. Les artistes JKM Rambo, Wanny S-KING, Master B-Shako, et le duo Francky Dheve-Esther Abumba, toutes du collectif Goma Slam Session, ont enflammé la scène.
D’abord, les deux slameuses, côte à côte sont apparues sur scène avec les textes sensibilisateurs pour la communauté. « Parlons du Sud-Kivu, de ces collines qui se brisent, de ces caniveaux qui se remplissent. Parlons de la foret équatoriale, de son exploitation en bois mais des pygmées sans toit ni tableau dans leur salle de classe…puisqu’ici, l’homme veut tout moderniser sauf l’humanisme. C’est la course vers l’évolution en laissant derrière les souffles entre-coupés. L’homme veut exploiter mais rien réparer », ont elle clamé haut et fort. Ensuite Master B-Shako, avec ses tubes bien connus du public local, a enjaillé la scène avant que Wanny S-King, qui n’a rien perdu de sa vista artistique et de son aura malgré tant d’années en dehors du pays, ne vienne chanter ses classiques, majoritairement mettant en lumière la megestion des autorités politiques congolaises. Afin, JKM Rambo est venu clore le spectacle en rappelant tout au début le rôle que chaque participant à cette initiative devra jouer personnellement dans la protection de l’environnement. Ses tubes n’ont pas laissé indifférent le public présent, qui interprétait sans relâche morceau par morceau. Pendant ce temps, les tracts étaient distribués où était noté l’essentiel de la campagne.
« Nous nous sommes ralliés à d’autres organisations de la société civile environnementales pour rester aux aguets par rapport à ce qui va suivre », a déclaré à Totalement actus Lucien Kamala, activiste écologique à Extinction Rébellion RDC. « Nous ne voulons pas qu’on vende les blocs pétroliers parce que la RDC se positionne comme un pays solution contre le réchauffement climatique. La population a été contente d’entendre nos messages. Nous allons continuer avec les actions non-violentes pour barrer la route au gouvernement s’il compte relancer la vente de bloc pétrolier ».
Extinction Rébellion est un mouvement international, décentralisé, autonome et apartisan, ayant recours à l’action directe non-violente pour faire pression sur les gouvernements afin qu’ils prennent enfin les mesures radicales nécessaires pour faire face à l’urgence écologique et climatique.
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