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Exclusif: « j’avais découvert Herman Amisi et avais dit qu’il fallait travailler sur lui…» (Abelle BOWALA)

Exclusif: « j’avais découvert Herman Amisi et avais dit qu’il fallait travailler sur lui…» (Abelle BOWALA)

Abelle Bowala émerge comme l’une des premières jeunes femmes humoristes de la RDC. Après avoir étudié les arts plastiques à l’académie des beaux-arts de Kinshasa, elle a choisi de se consacrer sur l’humour pour donner un sens profond à sa vie artistique. Elle nous a raconté à cœur ouvert son parcours quasi-accompli.

À Bujumbura, il fait chaud dans la cour de l’Institut Français. Nous sommes en attente de la seule femme invitée à participer à la deuxième édition du Festival d’Humour de Buja, aux côtés d’autres grands noms de cet art en Afrique, dont entre autres, Valery Ndongo, Oualas ou encore Michael Sengazi .

Après avoir animé un atelier avec une dizaine d’artistes humoristes locaux, elle peut enfin discuter avec nous. Une conversation à l’allure amicale qui va nous permettre de connaître le parcours de Abelle, l’une des rares dames congolaises à avoir percé en humour depuis la décennie finissante.

Comme beaucoup de ses contemporains artistes, Abelle a débuté dans le théâtre traditionnel, sous la casquette de comédienne. Elle découvre par après l’humour grâce à Jamal Comedy Club, où elle a eu le privilège de participer dans un atelier.

« Avec mon ouverture d’esprit, j’ai découvert l’humour et j’ai voulu essayer », explique-t-elle d’entrée dans cet entretien exclusif. «Je suis passé du rôle du théâtre à celui de prendre le micro seule» a-t-elle ajoutée.

Une décision qu’elle ne va jamais regretter. Grâce à des rencontres clés comme avec Ados NDOMBASI et sa participation au Festival TOSEKA, elle a acquis des compétences fondamentales nécessaires pour se hisser sur le devant de la scène de l’humour congolais. Son parcours lui a permis de côtoyer des personnalités de renom telles que Gohou, lui confirmant ainsi sa vocation humoristique, dont elle a eu le courage de faire sa première partie.

« Depuis lors, je savais que ça allait finir un jour par là où je suis », a avoué notre interlocutrice. Sa détermination et son talent ont été récompensés par des succès notables lors de sa participation à divers festivals d’humour, tels que le Parlement du rire, le Marrakech du rire et le Festival Tuseo. Outre son rôle d’humoriste, Abelle excelle également en tant qu’artiste peintre et dessinatrice de bandes dessinées.

Le talent au-delà du sexe

En tant que femme humoriste, Abelle souligne que le succès ne dépend pas du genre, mais de la maîtrise du talent et du savoir-faire.

«Cela n’a rien de différent avec le fait que l’on peut être un homme humoriste. Comme dans chaque discipline, ça demande d’apprendre, d’être talentueux et le moment venu vous donner au public », a déclaré Bowala. « Plutôt que de parler d’homme ou de femme, il faut beaucoup parler du savoir et de compétence. Soit tu es bon, soit tu ne l’es pas ».

Actuellement, elle se positionne en modèle inspirant pour de nombreux jeunes, aspirant à briser les barrières de genre et à promouvoir l’excellence artistique indépendamment du sexe.

Malgré les obstacles de début de parcours, Abelle a fait de la persévérance son credo pour vivre pleinement de son art. Cependant, elle reconnaît la nécessité de changer les mentalités et de promouvoir l’éducation artistique pour une meilleure reconnaissance des artistes, en particulier des femmes qui font face à des défis supplémentaires dans l’industrie. «Dans la société, je trouve que notre grand apport est bloqué par moment. Il y a certains interdits et des sujets de société dont on ne peut évoquer. L’humoriste est la voix mais quand il est bloqué, une partie de son apport est freinée », a souligné la kinoise avant de continuer : «le plus grand défi, c’est de vivre de cet art. Aujourd’hui, j’ai réussi. Après, il faut changer de mentalité. Aussi, je suis une femme, c’est pas toujours évident que l’on puisse croire en nous ».

Apprendre et toujours rêver

L’invitation à la deuxième édition du Festival d’Humour de Buja est une fierté pour Abelle, qui garde les pieds sur terre en reconnaissant qu’elle a encore beaucoup à apprendre et à accomplir dans le domaine de l’humour. « Je ne finis jamais d’apprendre. Je sais que je suis une grande dame dans l’humour mais pas au sommet, je ne pense pas», a dit Abelle, avec humilité. «J’ai encore beaucoup de choses à faire» comme ses rêves artistiques qui incluent des scènes prestigieuses telles que le Montreux Comedy Festival et le Festival d’Humour de Liège.

 

En abordant l’industrie de l’humour en RDC, Abelle met en lumière l’évolution positive favorisée par des collaborations extérieures telles que Canal+ qui diffusent les programmes d’humour et soutiennent les artistes. Elle appelle à un soutien accru des médias nationaux et des autorités culturelles pour promouvoir la scène humoristique congolaise.

«Aujourd’hui, si Canal + coupe la main en Afrique sur l’humour, cela serait une grosse gifle pour nous » a-t-elle analysée avant d’ajouter : « Je pense que nos chaînes locales devraient aussi mettre plus de lumière sur ce que nous faisons et notre ministères de culture et arts de nous accompagner ».

Concernant la place de l’humour congolais en Afrique francophone, Abelle souligne le potentiel de la RDC à se positionner parmi les leaders si elle diversifie ses performances linguistiques. Actuellement, elle classe la Côte d’Ivoire, la RDC et le Cameroun parmi les pays les plus dynamiques de la scène humoristique francophone, incitant les autres nations à relever le défi.

Alors que l’humoriste Herman AMISI brille actuellement sur la scène congolaise et Africaine, lui qui a défrayé la chronique avec son «surveillez le fleuve» à la CAN 2023, Abelle reconnaît que l’excellence artistique varie selon les saisons, soulignant le besoin constant de travailler et d’évoluer pour rester au sommet. Mais ce que beaucoup de gens ignorent, c’est bien elle qui a découvert le potentiel de Herman pour la première fois, l’incitant à continuer à travailler. « Je l’avais découvert dans un Comedy Club à Lubumbashi et j’avais dit qu’il fallait travailler sur lui. Aujourd’hui, en RDC, c’est lui qui est dans sa saison. Il est au top sans polémique », reconnaît-elle.

Bowala a exprimé sa solidarité envers la population tourmentée de l’Est de son pays, reconnaissant la complexité des enjeux politiques qui limitent l’action des artistes. Elle adresse ses prières pour que la justice divine guide les habitants de l’Est vers un avenir meilleur. «Nous prions pour la population de l’Est en espérant qu’un jour la justice de Dieu plaide en leur faveur », a conclu Abelle, qui a livré une prestation saluée par les burundais lors du Festival.

A propos de l'auteur

Par: David KASI

David KASI est consultant en Communication et Journaliste indépendant, spécialisé en culture, arts, sport et société. Il travaille aussi dans la presse écrite et collabore avec des médias internationaux en tant que free-lance. Également, il est photo-journaliste.
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